François-Xavier et Claude Lalanne : couple d’artistes

Époque de collaboration :

Les Lalanne ont travaillé ensemble principalement à partir des années 1960 jusqu’au début du 21e siècle. Leur collaboration a transcendé les frontières entre art et design, créant des œuvres allant des sculptures extravagantes aux meubles fonctionnels.

Tous deux amis des surréalistes et des nouveaux réalistes, ils se rencontrent en 1952. Claude rencontre François-Xavier qui montrait dans une galerie sa première et seule exposition de peinture… Dès 1956, ils commencent une œuvre qui ne cessera de s’amplifier, au point qu’on ne les appellera plus que « les Lalanne ».  

C’est en 1964 qu’ils exposent pour la première fois leurs œuvres communes : un rhinocéros « rhinocrétaire » en laiton pour François-Xavier et choux sur pattes (les Choupattes) pour Claude. Imaginez donc un univers où animaux et plantes entrent dans le monde des humains, un monde surréel, du rêve et de l’imagination.

Inspiration mutuelle :

Leur inspiration mutuelle était palpable. François-Xavier et Claude se nourrissaient des idées de l’autre, chacun trouvant des éléments uniques à intégrer dans son propre travail. La nature et les animaux étaient des sources d’inspiration constantes, donnant vie à des créations organiques et poétiques. Leurs influences sont les mêmes, leur goût pour le dessin également, leur vision du monde proche de l’enfance accompagne leur travail. D’ailleurs, c’est  que l’on voit sur leurs photographies : on ressent la joie de vivre et de travailler ensemble. Ils affirment quelque chose qui a trait au bonheur, une sorte de paix intérieure accomplie.  

Une des volontés des artistes est d’allier le beau à l’utile et de s’approprier l’art. Comme le disait François-Xavier Lalanne, « quand on peut s’asseoir sur une œuvre, elle devient plus familière ». L’univers des époux Lalanne, peuplé d’animaux réalistes et parfois étranges, sert l’art moderne tel qu’il est conçu dès le milieu du XXe siècle. L’intérêt pour ces sculptures utilitaires proches de la nature est loin de tomber dans l’oubli. 

Leur atelier et leurs sources d’inspiration sont leur jardin, les campagnes et les forêts. Ils travaillent avec et pour la nature qu’ils restituent de la façon la plus vraisemblable possible, sans artifice. Dans sa sculpture en bronze « Lapin chou », Claude Lalanne mêle deux représentations très réalistes d’un chou et d’un lapin, qui s’ornent mutuellement.

Répartition des rôles :

Dans leur collaboration, les rôles n’étaient pas strictement définis. François-Xavier se spécialisait souvent dans les sculptures animalières, tandis que Claude excellait dans la création de meubles artistiques. Cependant, ils participaient tous deux activement à la conception et à la réalisation de chaque projet. 

Complémentaires et à la fois si différents… On ne peut se tromper entre les sculptures animalières facétieuses de François-Xavier et les jeux végétaux aux touches surréalistes et Art Nouveau de Claude. Il leur arrivait de réaliser une œuvre à quatre mains, comme le Centaure.

L’œuvre s’est faite à quatre mains, dans une certaine indifférence à eux-mêmes, sans volonté excessive de gloire mais dans une constante inventivité. Ils disaient qu’ils faisaient « chambre commune et atelier à part ». chacun composait, créait, imaginait, rêvait mais leur univers onirique était toujours leur bien commun. 

Ils se retrouvaient par-delà leurs sculptures, recomposant des forêts et des pâturages, des potagers et des treilles, traversant les règnes et les espèces pour que ceux qui les aimaient puissent habiter « en poésie », chacun apportant une pièce au paysage réinventé. 

Ils forment un couple d’artistes d’où tout narcissisme est banni. Claude ne cherche à en être ni la muse ni le modèle. Quant à François-Xavier, il ne recherchait ni prééminence ni statut de maître.

Motivation commune :

Leur motivation était profondément ancrée dans le désir de transcender les limites traditionnelles de l’art et de l’artisanat. Ils aspiraient à créer des œuvres qui fusionnaient l’utile et l’esthétique, tout en capturant la magie de la nature dans des formes surréalistes.. D’une activité intense, ils vont tous deux toucher à tous les genres. Ils font entrer dans les maisons des animaux et des légumes géants. Ils ont meublé les jardins de bancs et de balancelles poétiques. 

Plaisir dans leur travail d’artistes :

Ce qui plaisait particulièrement aux Lalanne dans leur travail était la liberté de créer sans contraintes. Ils appréciaient l’exploration constante, la découverte de nouveaux matériaux et la possibilité de transformer des idées abstraites en sculptures tangibles.

Les Lalanne s’amusent ! Ce sont deux créateurs inépuisables. Ils jouent avec les domaines littéraires et plastiques. Les références sont multiples, de la Haute Égypte à l’Art nouveau, des préraphaélites au surréalisme, de Pompon à Magritte. Ils créent des chaises en forme de feuillage, escargots et lapins espiègles, c’est tout un univers à la Lewis Carroll ou à la Beatrix Potter.

Moments difficiles :

Malgré leur succès, les Lalanne ont dû faire face à des moments difficiles, notamment des périodes où leur travail n’était pas pleinement compris par le public ou la critique. Ils ont toutefois persévéré, restant fidèles à leur vision artistique unique.

Souvent reproduits et contrefaits à l’envi, les Lalanne ont considéré la sculpture comme un art familier.

Ils travaillèrent comme des artisans avec des yeux d’enfant. Souvent, d’ailleurs, les historiens de l’art les reléguèrent à l’artisanat.. Mais cette forme de mépris dont beaucoup les accablèrent n’a jamais entamé leur humour ou leur fantaisie. On vit le plus souvent rire ce couple heureux…

Fierté professionnelle :

Leur plus grande fierté résidait probablement dans la reconnaissance internationale de leur talent. Être exposés dans des musées prestigieux et collectionnés par des amateurs d’art du monde entier était pour eux une validation de leur contribution significative à l’art contemporain. Leurs œuvres deviennent la coqueluche du Tout-Paris : les Rothschild comme Yves Saint Laurent et Pierre Bergé leur commandent des pièces. 

Le couple Lalanne reçoit aussi dans sa maison-atelier d’Ury Karl Lagerfeld, Andy Warhol que les Rothschild, les David-Weil ou des têtes couronnées.

Claude triomphe avec son Homme à tête de chou que lui achète Serge Gainsbourg en 1968. Claude crée des bijoux aux formes inspirées de la nature, collabore à Civil Wars, l’opéra de Bob Wilson, imagine des vitrines pour Dior. François-Xavier, trouve quant à lui son inspiration tant dans la nature que dans les œuvres de Brancusi ou de l’Égypte ancienne, il installe des animaux grandeur nature un peu partout…

Équilibre vie personnelle et professionnelle :

Les Lalanne étaient profondément investis dans leur vie professionnelle, mais ils comprenaient également l’importance de maintenir un équilibre avec leur vie personnelle. La relation du couple est joyeuse et pleine d’humour. Contemplatifs à leur manière malgré une effervescente activité, ils admirent la nature sous toutes ses formes, l’exaltent et la célèbrent. 

Une telle connivence et une telle empathie sont rares dans le monde de l’art. Avec les Lalanne, pas de rivalité. Au contraire, il semble, au fur et à mesure du temps qui passe, que leurs travaux se complètent et s’harmonisent pour arriver à un point d’accord absolu. Pour maintenir cet équilibre, les Lalanne s’accordaient des moments de détente et de voyage. Ces escapades inspirantes nourrissaient leur créativité tout en renforçant leur connexion personnelle.

Engagement pour une cause :

En ce qui concerne leur engagement pour une cause, ils ont souvent exprimé leur préoccupation pour la préservation de la nature à travers leur art, éveillant ainsi une sensibilisation environnementale. De « La Mouche » à « La Sauterelle », réalisées dans les années 1960, tout un répertoire se fait jour. Ces artistes créent la nature, pour la rendre à elle-même et celle-ci n’a d’autres intérêts que de s’y fondre. La nature va même jusqu’à habiller des choses de la nature.

Leur oeuvre d’art la plus connue ?

Les premiers « Moutons de Laine » sont des œuvres iconiques des époux Lalanne. Elles  apparaissent au milieu des années 1960. L’œuvre globale est souvent composée de plusieurs pièces, fait l’effet d’un troupeau, en accord avec le désir de ses créateurs. C’est un peu comme dirait François-Xavier Lalanne « la campagne à Paris ».

Les primates ont constitué une autre série d’importance pour les époux. « Le Babouin » et « Le Gorille » sont des sculptures utilitaires, se transformant en antre de cheminée pour l’un et en coffre pour l’autre. Les époux aiment à représenter des forces de la nature, plus ou moins imaginaires comme « Le Minotaure ».

Leurs hippopotames, rhinocéros, pigeons ainsi que d’autres créatures sculptées ont acquis une renommée internationale. Ces œuvres sont caractérisées par un mélange unique de fonctionnalité et d’esthétique artistique.

Une anecdote amusante sur leur couple :

On raconte que François-Xavier et Claude aimaient parfois se déguiser en animaux pour des séances photos de leurs œuvres. Leur complicité artistique et leur esprit ludique étaient évidents même dans ces moments de jeu.

les secrétaires « à dos d’âne » sont conçus à partir d’une silhouette d’âne, « être serré comme des sardines » leur donne l’idée d’un canapé fait de coussins oblongs en forme de sardines, le « fauteuil-crapaud » est un vrai crapaud en plastique ! 

Si en 1973 les époux inventent « l’Âne de Pompadour », matérialisé par une sculpture d’âne à l’échelle 1 qui se transforme en un bureau, c’est pour rendre matériel le fameux « bureau dos d’âne » très en vogue sous Louis XV. De même, lorsque François-Xavier Lalanne imagine le « Fauteuil Crapaud », inspiré du nom donné à un fauteuil iconique du XIXe siècle, en lui donnant la forme d’un amphibien.

L’expression « être serrés comme des sardines » leur donne l’idée de créer des coussins représentant des sardines, qui ont vocation à décorer un canapé, sur lequel, la place peut manquer. C’est à ce stade que l’on peut aisément comprendre que la création est un jeu sans fin pour les époux Lalanne.