Bienvenue dans l’exposition Passagers des cieux. Ce titre évoque le passage entre la terre et le ciel, notion essentielle dans la mythologie égyptienne. Il rappelle notre condition humaine : nous sommes tous des passagers sous un ciel chargé de symboles. Platon écrivait dans le Timée : « L’homme est une plante céleste ». Ce voyage en Égypte, réalisé en août 2024, est une immersion dans la lumière, la chaleur et la poésie des lieux.
Chaque photographie est accompagnée d’un haïku. Ce court poème japonais se lit d’un souffle, comme une métaphore de notre vie éphémère. Nous avons cherché à explorer l’Égypte autrement : en capturant les liens entre architecture, symboles et mythes, entre la matière et le sacré.
L’intention est simple : inviter à la contemplation. Ressentir la lumière, les formes, les passages. Chaque image révèle une tension entre le visible et l’invisible, entre le regard et le langage.
Le fil conducteur
Les images s’articulent autour des symboles du passage : portes, escaliers, chemins vers la lumière. Ces symboles sont présents dans toutes les civilisations, et déjà très marqués dans la culture égyptienne, à travers les hiéroglyphes et l’architecture.
Chaque haïku transforme la lecture de l’image. Avant, on voit. Après, on comprend autrement. L’image et le texte se répondent sans se confondre. Il y a une tension volontaire entre ce qui est montré et ce qui est dit.
La lumière naturelle et les contrastes architecturaux renforcent cette sensation d’élévation, de mouvement entre terre et ciel.
Les supports
Les photographies sont imprimées sur papier Fine Art « Torchon » de Hahnemühle. Certaines sont des héliogravures artisanales, réalisées par Fanny Boucher. Vous verrez aussi une matrice en cuivre, utilisée pour tirer l’image d’un escalier du temple d’Horus.
Les couleurs dominantes, bleu profond et or, rappellent les symboles de la mythologie égyptienne, et sont aussi les couleurs de Maison Lacmé. Cette palette traverse toutes les œuvres.
1. « Nul accès ou sortie »
Ce titre joue avec les lettres du mot naos, le sanctuaire le plus sacré d’un temple. C’est une porte close, un lieu inaccessible. Dans la tradition égyptienne, c’est un passage réservé aux dieux ou aux morts, que les vivants ne peuvent franchir. Ce seuil évoque une frontière symbolique : on ne peut le traverser, mais il invite à l’imaginaire. Que se trouve derrière ? Peut-être rien. Et c’est justement ce vide qui pousse à réfléchir.
2. « Serrure céleste, passage étroit où la vision diverge »
Cette photo représente une colonne prise en contre-plongée à Louxor. Son contraste avec le ciel lui donne l’apparence d’une serrure. Elle évoque ces images à double lecture qu’on perçoit différemment selon le regard. Canard ou lapin ? Visage ou vase ? Cette ambiguïté me fascine. Elle dit que le réel déborde toujours ce que l’on croit en voir.
La forme de serrure renvoie à l’idée de passage. Elle évoque aussi une phrase biblique : « Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer au royaume des cieux. »
3. « Forêt de colonnes, paradis des oiseaux au vol suspendu »
Cette photo a été prise dans un temple, parmi des colonnes dont les chapiteaux s’inspirent du papyrus. On marche dans une forêt minérale. Tout en haut, des oiseaux sont posés. Et tout au fond, dans le ciel, un autre oiseau semble figé, suspendu dans son vol. Comme pétrifié. La pierre et le ciel se répondent. L’envol devient arrêt. L’instant se prolonge.
4. « Le ciel résonne du silence de mes pas »
Dans ce temple, deux murs hauts encadrent un chemin de sable. Le ciel semble en être le seul toit. Chaque pas est feutré par le sol, mais résonne entre les parois. Le silence est dense, presque sonore. On se sent enveloppé. Le corps avance entre deux immensités : celle de la matière, celle du ciel.
5. « Tissu d’étoiles, tapis de mes rêves »
Le plafond du temple de Dendéra est orné d’étoiles. Ces étoiles peintes, sur fond bleu profond, ont une forme très graphique. Les artisans égyptiens leur ont donné une puissance symbolique : elles enveloppent l’espace comme un manteau céleste. On rêve en les regardant. Elles nous relient à un ciel ancien, qui guide encore.
6. « Orion, mon ami, guide-moi au cœur de la nuit»
Cette photo représente une architecture inclinée près de la pyramide à degrés de Saqqarah. Un petit bâtiment semble s’être affaissé dans le sable, mais il a été construit ainsi, volontairement. En s’approchant, on découvre un trou dans le mur. À travers ce trou, le regard tombe sur le visage du pharaon Djoser. Il ne regarde pas les visiteurs. Il regarde Orion.
Orion, figure d’Osiris, dieu de la mort, guide les âmes vers l’au-delà. Ce lien entre architecture et astronomie est central dans la culture égyptienne. Le ciel structure les temples, les tombeaux et les mythes.
7. « Escalier ou plafond, plus de haut ni de bas pour celui qui, au plus profond de la pyramide s’aventura »
Dans la pyramide de Dahchour, l’intérieur est étroit, chaud, moite, saturé d’ammoniac. Le parcours est déroutant. On perd ses repères. À un moment, un plafond devient escalier. Ou l’inverse. Où est le sol ? Où est le haut ? Ce désordre est voulu. L’espace est conçu pour désorienter, protéger le tombeau. La photographie traduit ce trouble, ce vertige des sens.
8. « Les marches de soleil inondées réchauffent mes pas apaisés »
Ces marches ne sont pas antiques. Elles ont été construites par des archéologues il y a moins d’un siècle pour créer une sortie secondaire à la pyramide de Saqqarah. Après la fraîcheur intérieure, la lumière écrasante de l’extérieur éblouit. L’escalier baigne dans le soleil. Ce passage vers le ciel est aussi une sortie vers la clarté, un retour à la surface.
9. « Sur le point de s’évanouir, le soleil n’a jamais semblé si proche de se laisser saisir »
Cette photo a été prise au bord du lac Nasser, avant la visite d’Abou Simbel. Le soleil rouge orangé descend lentement. Il semble proche, presque accessible. Comme s’il suffisait de tendre la main. Et pourtant, il s’éloigne. Ce moment mêle émerveillement et mélancolie. La lumière s’éteint. Le jour s’efface. Le rêve touche à sa fin.
10. « Infinie solitude des passagers des cieux »
Encore au bord du lac Nasser, mais cette fois après la visite d’Abou Simbel. Le lieu que j’avais longtemps idéalisé. Ce temple a été déplacé, pierre par pierre, pour le sauver de la montée des eaux. Ce déplacement ajoute à sa puissance symbolique. Le matin, nous l’avons vu baigné de lumière. Le soir venu, c’est une autre émotion.
Un chemin longe le lac. On a l’impression d’être sur le pont d’un bateau. Le rêve est accompli. Et pourtant, une solitude apparaît. Celle que chacun ressent face au passage, à la fin, à la mort. L’image résume ce que j’ai voulu transmettre dans l’exposition. Ce va-et-vient entre ciel et terre. Ce voyage fragile que nous partageons tous.
Sur les traces d’Horus
Cette photo, tirée en héliogravure par Fanny Boucher, représente une montée rituelle dans le temple d’Horus. D’abord, je n’aimais pas cette image. Quelque chose me dérangeait dans la lumière, dans l’angle. Fanny l’a interprétée autrement. Pour elle, c’était un chemin vers la lumière, un mouvement apaisé. Et c’est grâce à son travail de tirage que j’ai pu la voir ainsi. Elle a donné à l’image la forme que j’aurais aimé lui donner. Ce que je ressentais confusément, elle l’a fait émerger.
C’est ce que permet la collaboration avec un artisan d’art : transformer une intention en émotion partagée. La gravure donne du relief à l’image. En passant le doigt sur les marches gravées, on sent physiquement le chemin. La lumière blanche, au bout de l’escalier, devient à la fois destination et source.
On retrouve ici un symbole très ancien et très présent dans nos cultures : celui de l’ascension. Des marches vers la lumière. On pense à la Divine Comédie, aux récits mystiques, aux représentations du passage entre la vie et la mort. Ce motif, aussi évident soit-il, reste puissant.
Les marches sont usées. Les hiéroglyphes, presque effacés. Mais ce chemin garde sa force. Il dit le passage du temps, l’usure, la trace humaine. Et la lumière qui appelle toujours.

Bonjour ! Je suis Antoine TAUVEL
En 2012, j’ai co-fondé avec ma femme Cécile le réseau de conciergerie La Minut’Rit. Depuis sa vente en juin 2024 nous travaillons sur un nouveau projet dédié à l’Art : Maison Lacmé.
Tags : Art, photographie, Egypte, poésie, exposition
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L’exposition se termine sur cette invitation à la contemplation. Le bleu et l’or, omniprésents, accompagnent ce voyage entre architecture, lumière et temps.
Mon travail s’appuie sur l’épure et le minimalisme. Non pour effacer, mais pour révéler. Chaque image est pensée dans sa relation aux autres. Elles dialoguent entre elles. Un haïku, une photographie : ce duo crée une lecture sensible. Et l’ensemble tisse un chemin.
Un chemin entre une porte, une serrure, un escalier, un ciel, un roi, une étoile. Les images s’éclairent mutuellement. Une fois toutes vues, la première ne se regarde plus de la même manière. C’est une boucle.
En s’éloignant, on perçoit aussi une construction d’ensemble : des formes géométriques se révèlent. Triangles, rectangles, lignes nettes. Cette structure fait écho à la pensée égyptienne, mais aussi grecque et romaine, où la géométrie porte une dimension presque mystique.
Chaque œuvre, prise seule, a une valeur. Mais leur force naît surtout de leur lien. De ce qu’elles évoquent, ensemble, sur notre condition : passagers entre terre et ciel.
Merci pour votre lecture / écoute. Que vous soyez ici à La Galerne ou ailleurs, nous espérons que cet audioguide vous aura permis de voyager. Si ce voyage vous a touché, partagez-le. À bientôt.
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